Nous, les Pawsies, on aime les animaux. Imaginer des lapins, des singes ou des souris en cage dans un laboratoire, attendant de se faire administrer un médicament qui sera peut-être, un jour, commercialisé pour lâhumain, ça nous fait un gros pincement au cÅur. Alors on se demande : ces tests sont-ils toujours un mal nécessaire ?
Chaque année au Canada, quelque 3,5 millions dâanimaux sont utilisés pour des tests en laboratoire, principalement des poissons, des oiseaux et des souris â nous partageons avec ces dernières environ 80 % de nos gènes.
Pour le moment, il nây a aucun autre moyen aussi efficace de tester des médicaments ou des vaccins, selon Luc-Alain Giraldeau, directeur général de lâInstitut national de la recherche scientifique (INRS), spécialiste du comportement animal et ancien président du Conseil canadien de protection des animaux, lâorganisme qui édicte les règles encadrant ce type de tests. « Pour les produits cosmétiques, par contre, on peut avoir des réponses fiables avec des tissus in vitro ou des simulations par ordinateur », nuance-t-il. Il précise que les façons de faire se sont grandement améliorées, entre autres grâce aux règles sévères du Conseil, qui évoluent sans cesse depuis leur entrée en vigueur dans les années 70. « Désormais, les chercheurs doivent justifier lâusage dâanimaux devant un comité, toujours utiliser la plus petite quantité dâanimaux requis pour obtenir un résultat, et sâassurer que ceux-ci ne souffrent pas, par exemple en les anesthésiant. Lâépoque où 300 lapins recevaient un échantillon de produit est révolue. »
Malheureusement, seuls les établissements de recherche universitaires et collégiaux sont tenus de respecter ces règles. Dans le secteur privé (et dans dâautres pays moins soucieux du bien-être animal), les pratiques sont souvent plus douteuses.
Les animaux inférieurs aux humains ?
Depuis plusieurs années, de nombreuses voix sâélèvent pour dénoncer ces tests biomédicaux, arguant que les animaux sont des êtres sensibles, conscients et ressentant la douleur, comme nous. Parmi elles, on compte Valéry Giroux, chercheuse en éthique animale, professeure associée à la Faculté de droit de lâUniversité de Montréal et coordonnatrice au Centre de recherche en éthique de la même université.
« Lâutilité de lâexpérimentation animale pour la santé humaine est contestée au sein même de la communauté scientifique, car il est souvent difficile dâextrapoler les résultats aux humains, assure celle qui est également fellow à lâOxford Centre for Animal Ethics. Mais admettons quâune petite partie de ces tests est utile pour nous. Sont-ils pour autant légitimes ?
Quand on se demande pourquoi on ne fait pas les tests directement sur des êtres humains, il est tentant de répondre que câest parce que les humains ont plus de valeur que les autres animaux.
On se fonde sur des critères biologiques (relatifs à lâespèce) et on soutient que les animaux ont des capacités cognitives inférieures aux nôtres, ce qui ouvre la porte à des discriminations assez dangereuses. Suivant ce raisonnement, il serait alors justifiable dâexpérimenter sur des êtres humains au QI faible⦠»
Selon celle qui a signé de nombreux articles sur les droits des animaux, le fait que quelque chose soit nécessaire ne le rend pas moralement acceptable pour autant. « Tous les êtres sensibles ont des droits fondamentaux. On ne doit pas leur imposer de douleur, les garder captifs, les tuer⦠Ces comportements relèvent de lâoppression et de la domination. »
Luc-Alain Giraldeau convient quâil sâagit dâune question épineuse. « Câest certain quâil faut convaincre le public que la souffrance infligée aux animaux en vaut la peine. Je comprends les polémiques éthiques et philosophiques, et elles sont saines, mais on doit ramener le débat dans le monde dans lequel on vit : des gens sont terriblement malades, et des gens veulent les guérir. »
Plusieurs avenues sâannoncent prometteuses afin de réduire, voire éliminer lâusage des animaux en laboratoire, dont la fabrication de tissus (comme de la peau) in vitro, à partir de cellules humaines, et lâintelligence artificielle â lâété dernier, un algorithme développé par des chercheurs sâest révélé très efficace pour prédire la toxicité dâun produit.
Espérons quâelles évoluent rapidement.