L’homme qui murmure à l’oreille des poules

23 juin 2020

Lorsque j’ai adopté mon fils, il sortait d’un centre d’accueil. Tout l’effrayait. Il avait du mal à s’adapter. Mais c’était avant qu’il devienne ami avec une poule très spéciale.


Mon fils Zach avait 10 ans quand je l’ai adopté, et son passage en centre d’accueil l’avait dévasté. C’était un enfant émacié. Lorsqu’il est arrivé à la maison, il portait un maillot de bain taille 3 ans pour bébé. Il piquait des crises, s’arrachait les cheveux, et se tapait la tête sur les meubles. Terrifié par les orages, les bruits et les insectes, il refusait littéralement de quitter la maison.

Zach avait des besoins particuliers. Il souffrait, entre autres, de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF), d’un retard de développement et d’un trouble anxieux. Les enfants comme Zach ne se font pas facilement des amis, et, le plus souvent, ils ne sont pas invités aux fêtes d’anniversaire des autres. Il était solitaire. 

Un jour, Zach a enfin reçu une invitation à une fête, et il était vraiment excité d’être inclus. Il s’est rendu là vêtu de sa chemise la plus cool, et il a pris soin d’apporter un cadeau. Mais le bruit était insupportable pour lui, et il ne se sentait pas bien. Au lieu de s’amuser avec les autres garçons, il est allé se cacher au sous-sol pour jouer aux jeux vidéos, seul. Il est rentré la tête basse. Je l’ai persuadé de venir m’aider à la ferme afin qu’il ne reste pas seul. 

Il fallait nourrir les poules. Elles ont couru vers lui, et se sont laissé prendre. Puis, elles ont trouvé quelque chose d’intéressant dans le gazon et se sont mises à caqueter pour inviter les autres à se joindre à la fête. 


Le jeune Zach s’amusant à la ferme avec une grosse poulette


En peu de temps, les poules sont devenues une étrange source de sécurité pour Zach. Leur univers le réconfortait. Il souffrait de difficultés d’intégration sensorielle, et quand le monde devenait trop intense, il vidait tous ses tiroirs de vêtements, se construisait un nid de chandails et de pantalons, et se blottissait à l’intérieur en criant et en pleurant. Il avait peur d’être dehors, et si une abeille ou un nuage sombre passait, il courait se réfugier à l’intérieur. Même si toute la famille était au jardin pour partager de bons moments, Zach restait caché. 

Pour l’encourager, j’avais promis à Zach que s’il participait à un camp adapté, je lui offrirais sa propre poule. À la fin de la semaine, une petite poule de type soie blanche est débarquée, épargnée d’apparaître au menu du restaurant d’ailes de poulet auquel elle était destinée. Nous l’avons sauvée, et en échange, elle a sauvé Zach.


Zach et sa poule Pipsqueak qui partagent un moment de bonheur


Elle a été baptisée Pipsqueak. Zach la transportait dans la cour, et si un insecte se pointait, il se cachait derrière elle, mais ne se sauvait plus. Quand l’orage grondait, il prenait le temps de la mettre en sécurité dans la grange avant de courir se cacher. L’aventure a duré 8 ans.

Lorsque Pipsqueak est arrivée en fin de vie, Zach était devenu un solide gaillard de 18 ans. Il s’est assis auprès de sa poule mourante, secoué d’immenses sanglots. 

Je me suis assise auprès de lui, je l’ai serré contre mon cœur, et il a cessé de pleurer. « Elle a été tellement chanceuse, je lui ai murmuré. Elle a évité d’être servie en barbecue, elle a vécu sur une ferme, en liberté, toute sa vie et elle t’a eu comme meilleur ami! Il n’y a pas beaucoup d’ados qui chillent avec une poule. » Zach a ri. « Tu te rappelles comme elle était petite quand elle est arrivée?, il a demandé. Elle était tellement maigre et effrayée. Mais elle a fini par prendre du coffre et être en santé. » 

En discutant, la ressemblance entre Pipsqueak et Zach m’a soudainement frappée. Tous les deux étaient arrivés à la maison maigres et apeurés après avoir vécu un traumatisme. Ils avaient grandi, s’étaient soignés et avaient, ensemble, trouvé la liberté.

Pipsqueak est décédée le matin suivant. On lui a fait des funérailles en famille. Puis, en silence, Zach a essuyé ses larmes avec sa manche. Il y avait d’autres poules à nourrir et une nouvelle recrue venait d’arriver... Mildred le coq.

Zach a changé du tout au tout depuis qu’il fait partie de notre famille. Son anxiété a pratiquement disparu, ses émotions sont plus stables et ses tics ne sont jamais revenus. Mais une chose n’a pas changé : Zach continue à croire dur comme fer qu’il n’existe pas de meilleure amitié que celle d’une poule. Nous le surnommons «the chicken whisperer», ( l’homme qui murmure à l’oreille des poules). 


Encore aujourd’hui, les poules se lient d'amitié avec Zach


Une décennie plus tard, et des mois après le décès de Pipsqueak, on peut toujours voir Zach se promener joyeusement dans la cour, une poule soie à ses côtés.


Photos : collection personnelle

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