Euthanasie de son animal : on assiste ou pas ?

24 septembre 2019

Prendre la décision d’accompagner son animal jusqu’à son dernier souffle est une épreuve difficile. Et la décision de le faire appartient à chacun.


Tous les professionnels du milieu sont d’accord : faire euthanasier son animal est l’une des décisions les plus douloureuses que l’on puisse avoir à prendre. « Très peu d’animaux meurent de mort naturelle. De nos jours, on voit surtout des maladies gériatriques, comme des problèmes rénaux et hépatiques et des cancers. Et quand la qualité de vie des patients décline, la plupart d’entre eux sont euthanasiés », affirme le Dr Jim Berry, vétérinaire au Douglas Animal Hospital de Fredericton, au Nouveau-Brunswick.


Selon le Dr Berry, si on procède correctement à l’euthanasie, l’animal n’est pas anxieux.


« À la clinique où je travaille, la relation humain-animal est au cœur de notre pratique, observe-t-il. Quand je fais une euthanasie dans une belle salle calme, en présence du maître, il n’y a aucune différence pour l’animal entre l’euthanasie et un vaccin ou une prise de sang. »


Un choix déchirant


Même en sachant cela, la prise de décision demeure extrêmement lourde. Aussi, lorsqu’ils doivent déterminer si c’est la fin, « les gens se sentent terriblement coupables, confie France Carlos, psychothérapeute montréalaise et auteure du livre Deuil animalier. Et comme ils craignent de se tromper, cela ajoute au traumatisme. » Ils se demandent, par exemple si leur animal n’a pas encore de beaux jours devant lui. Ou si, au contraire, à force d’attendre, on ne le fait pas souffrir inutilement. Certes, ces questions peuvent être posées à son vétérinaire, un des professionnels les mieux placés pour nous éclairer sur le moment le plus adéquat. Mais cela ne règle jamais la difficile question de savoir si on se sent capable de rester là pour son poilu d’amour jusqu’à son tout dernier souffle.



Certains se demandent en effet s’ils auront la force d’escorter leur chien ou leur chat jusqu’au fameux « pont de l’arc-en-ciel ». Selon une étude réalisée en 2014, aux États-Unis, 63 % des maîtres décident de rester auprès de leur animal pour ce passage difficile. Au Royaume-Uni, c’est plutôt 88 %, une statistique qui s’applique aussi aux Canadiens, selon les vétérinaires que nous avons consultés.


Ce pourcentage élevé s’explique par divers facteurs, notamment par le fait que l’animal est maintenant considéré comme un membre de la famille, que les techniques liées à l’euthanasie ont évolué et que les vétérinaires n’hésitent pas à discuter du protocole avec leurs clients. Selon la Dre Susan Dailley, propriétaire d’une clinique vétérinaire mobile à Guelph, en Ontario, le deuil d’un animal est aussi mieux accepté socialement. « Il est assez probable qu’un plus grand nombre de propriétaires d’animaux restent présents pendant l’euthanasie comparativement à il y a 10 ou 20 ans. Cette tendance pourrait s’expliquer par de nombreux facteurs, notamment un changement dans la relation humain-animal, la pression sociale, de meilleures habiletés de communication du côté des vétérinaires, l’amélioration des protocoles et des techniques d’euthanasie, un meilleur accès à des spécialistes du deuil animalier et moins de stigmates associés à la réponse émotionnelle lors de la perte d’un animal. »


En d’autres mots, il y a quelques années encore, de manière générale, les gens laissaient leur véto procéder à la piqûre fatale pendant qu’ils allaient se réfugier dans leur voiture pour pleurer. Maintenant, la douleur ressentie n’est pas ignorée et dans la plupart des cliniques vétérinaires, un grand soin est apporté à ceux qui restent.


Une publication qui a fait jaser


En septembre dernier, un vétérinaire a soulevé la controverse en publiant sur Facebook une déclaration-choc qui a fait le tour du web. Ce professionnel prétendait que les gens devraient avoir honte de ne pas assister à l’euthanasie de leur animal, puisque celui-ci mourait avec le sentiment d’avoir été abandonné.


« Pour moi, c’est un beau cas d’anthropomorphisme, déclare sans détour France Carlos. Cette personne-là craint tellement de mourir seule qu’elle projette ses peurs sur l’animal. »


« L’euthanasie est en soi un geste de compassion lorsqu’on la fait pour mettre fin aux souffrances de l’animal ou pour les lui éviter. Certaines personnes ne sont pas équipées émotionnellement pour faire face à ce genre de situation, et c’est là que les médecins vétérinaires et le personnel de la clinique, qui ont été formés pour offrir des soins de fin de vie, peuvent proposer un soutien tant pour l’humain que pour l’animal. Quand les propriétaires d’animaux choisissent de ne pas rester avec leur animal pendant une euthanasie, les médecins vétérinaires et le personnel de la clinique font de leur mieux pour s’assurer que l’animal ne se sent pas seul ou abandonné, » ajoute la Dre Susan Dailley.


Un sentiment d’apaisement


Toutefois, la procédure se passe souvent plus en douceur si le maître est là, parce que l’animal se sent en confiance, admettent les vétérinaires interrogés. À moins que le propriétaire soit trop nerveux ou en détresse. « Dans ce cas, ça n’aidera pas du tout l’animal, et il vaut peut-être mieux remettre le rendez-vous, si c’est possible, ou ne pas assister », précise le Dr Dominick Rathwell, dont la thèse de doctorat portait sur l’euthanasie de convenance.


Chose certaine, être présent jusqu’à la fin peut aider à mieux faire son deuil, affirme la Dre Elizabeth Sinclair-Kruth, vétérinaire et psychothérapeute à Guelph, en Ontario. « Être présent jusqu’à la fin aide les gens à sentir qu’ils tournent la page et leur donne l’occasion de faire leurs derniers adieux. Leur relation et leur conversation avec le médecin vétérinaire et le personnel pendant et après l’euthanasie peuvent les aider à faire la paix avec leur perte. »


« Je dis parfois aux personnes qui se préparent à dire adieu à leur animal : vous n’avez pas à rester pour l’injection, mais une fois qu’il sera parti, allez le voir, dit France Carlos. Vous constaterez qu’il est calme et paisible. En rentrant, vous ne le chercherez pas partout dans la maison et vous commencerez réellement à faire votre deuil. »

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