Jack est un berger allemand croisé, âgé de deux ans au moment où Geneviève et Patrick l'adoptent sur Petfinder. Le couple lui achète une cargaison de jouets, promène son nouveau compagnon deux fois par jour, le laisse rarement seul, lui parle avec douceur, essaie de le caresser, de l'amadouer. Mais Jack est nerveux, regarde à peine ses maîtres et dort seul dans son coin.
« En soi, qu'un chien nous ignore au début de son adoption s'avère normal, explique Francis Rousseau, technicien au Service de médecine du comportement du Centre DMV, à Lachine. Si on vous imposait des colocataires du jour au lendemain, on ne s'attendrait pas à ce que vous développiez tout de suite une complicité avec ces étrangers. »
Certains chiens s'adaptent plus lentement que d'autres à leur environnement. Il faut leur laisser le temps d'atterrir, de s'habituer à leur nouveau foyer, et le lien d'attachement finit par se créer. Jack, lui, a pris des mois à s'enticher de ses maîtres.
Pourquoi lui faut-il tant de temps ?
En fait, plus un chien a formé un lien stable et sécurisant avec un humain dans les premiers mois de sa vie, plus sa relation sera équilibrée avec ses maîtres. À l'inverse, plus la figure d'attachement est instable, plus il risque de souffrir de troubles anxieux ou d'avoir des comportements antisociaux.
Tout le monde connaît, par exemple, un chien velcro qui voit son humain dans ses croquettes et le suit à la trace. Ou un toutou angoissé qui, une fois le maître parti, hurle sa vie ou dévore les fauteuils.
« Les chiens comme Jack agissent comme s'ils étaient seuls au monde, car c'est ce qu'ils ont vécu », explique Amélie Martel, directrice du bien-être animal à la SPCA de Montréal. Soit parce qu'ils ne voyaient leur maître que lorsqu'ils étaient nourris (c'est parfois le sort des chiens de garde enchaînés toute la journée), soit parce qu'ils étaient super attachés à leur maître et qu'ils ont été abandonnés ou parce qu'ils sont passés entre les mains de plusieurs humains, et que ceux-ci sont devenus interchangeables. Parfois, c'est carrément parce qu'ils n'ont jamais appris à socialiser (les cas les plus extrêmes étant les chiens provenant d'usines à chiots ou d'abattoirs en Corée).
« L'indépendance est devenue leur mode de survie, précise Gaby Dufresne-Cyr, fondatrice du Dogue Shop, à Montréal, et auteure de Dog in the Mirror Is God sur les problèmes d'attachement. Au fond, il n'y a pas tant de différence entre un chien hyper-dépendant et un autre trop autonome. Les deux souffrent des mêmes carences, sauf qu'ils les extériorisent différemment. »
Pour améliorer leur qualité de vie – et la nôtre, voici diverses méthodes:
Ne jamais approcher ou caresser un chien contre son gré. Il faut être patient et utiliser le renforcement positif. « On peut lui donner une friandise chaque fois qu'il lève le regard vers nous », propose Amélie Martel. On peut aussi attirer son attention en jouant, par exemple, à la balle ou en lui proposant des activités stimulantes mentalement.
- L'environnement doit demeurer stable. « Il faut installer une routine, et éviter de déménager le chien ou de le mettre en pension parce que c'est les vacances », affirme Marine Cassoret, docteure en sciences animales et comportementaliste.
- Un traitement médicamenteux contre la peur et le trouble anxieux peut s'avérer un excellent outil, ajoute Dre Cassoret, car il permet au chien de mieux gérer la nouveauté et de progresser.
- Dans les cas extrêmes, faire appel à un comportementaliste est aussi indiqué.
- Un chien finira par développer un lien d'attachement, affirment nos experts. Il suffit d'être persévérant, comme les maîtres de Jack.
Avez-vous déjà expérimenté ce genre de comportement avec un chien ? Qu'avez-vous fait pour gagner son cœur ? Rendez-vous sur Facebook pour partager votre expérience.