Des grillons dans la gamelle

10 mars 2020

Les insectes représentent le futur de l’alimentation… et nos bien-aimés animaux de compagnie pourraient être les premiers à y goûter.


Vous avez déjà aperçu votre fidèle compagnon avaler une mouche qui volait par hasard au-dessus de son museau ? Ce n’est pas surprenant : les insectes font partie de la diète naturelle des chiens et des chats. Et ils représentent la dernière tendance dans l’industrie de la nourriture pour animaux. En tête de file, la compagnie montréalaise Wilder Harrier (fr.wilderharrier.com ), qui, depuis trois ans, commercialise des biscuits pour chiens à base de farine de grillon dans une centaine de points de vente au pays.


« Les chiens aiment généralement le goût des grillons, qui rappelle les noix et les crustacés », assure Paul Shenouda, l’un des trois cofondateurs. Ces friandises sont offertes dans des saveurs telles que banane-arachide et pomme-canneberge, ou en version végétalienne, à base d’algues et de pulpe de fruits et de légumes récupérée parmi les résidus de la compagnie de jus LOOP. « On voulait avant tout fonder une entreprise qui aurait un impact positif sur l’environnement et le monde », poursuit le jeune entrepreneur. La prochaine étape : une gamme de nourriture pour chiens composée de grillons, de mouche noire et de ténébrion qui sera lancée sous peu. Sceptique ? Il n’y a pourtant que de bonnes raisons de servir des insectes à votre compagnon à poils. Voici pourquoi.


Un choix éthique
La consommation de viande participe au réchauffement climatique, et nos animaux de compagnie en consomment beaucoup. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) attribue 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre à l’industrie de l’élevage. Et c’est sans compter l’empreinte écologique que représente la production de nourriture carnée. C’est ainsi que les grillons commencent à compter de plus en plus dans l’assiette de nos animaux de compagnie. « En production, pour obtenir 10 kg de viande, il faut prévoir 100 kg de grains », indique Jarrod Goldin de chez Entomo Farms, une entreprise d’élevage de grillons située à Norwood, en Ontario. De leur côté, les grillons émettent une quantité de méthane dérisoire, absorbent peu de nourriture et nécessitent moins d’eau. Pour produire une livre de grillons, on n’a besoin que de 4 litres d’eau alors que la même quantité de bœuf en requiert 10 000 litres.


Paul Shenouda et ses associés ont eu l’idée de fonder Wilder Harrier en lisant justement un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), publié en 2014. Celui-ci préconisait les insectes comestibles comme solution pour parvenir à nourrir la population mondiale qui, d’ici 2050, risque d’atteindre 9,55 milliards d’humains. C’est cette même étude qui a inspiré les frères Goldin à fonder Entomo Farms, une entreprise d’élevage de grillons, à Norwood, en Ontario.


« Lorsqu’on sait qu’il y a des gens sur la planète qui meurent de faim et que l’industrie de la nourriture pour animaux repose presque entièrement sur la production de viande, ça soulève une question éthique », fait remarquer Jarrod Goldin, qui vend sa farine de grillons pour les éleveurs de bétails, les producteurs de nourriture pour animaux comme Wilder Harrier, mais aussi sous forme de grignotines pour la consommation humaine.


Un choix santé
Si la nourriture à base d’insectes permet de réduire notre empreinte écologique, elle est aussi meilleure pour la santé de nos animaux. « La farine de grillons compte plus du double de protéines que le bœuf, fait valoir Jarrod Goldin. Elle est riche en fibres, en fer, en oméga-3 et en nutriments qui sont excellents pour les chiens. Et, contrairement à la viande, elle ne contient ni antibiotique ni stéroïde. » Les biscuits de Wilder Harrier sont d’ailleurs vendus chez certains vétérinaires, principalement parce qu’ils ne causent pas d’allergies. « De nombreux chiens et chats développent des réactions cutanées lorsqu’ils consomment certaines protéines animales, explique Paul Shenouda. D’ailleurs, environ 30 % de notre clientèle choisissent nos produits parce qu’ils sont hypoallergéniques. »


Un choix économique
Wilder Harrier prévoit vendre sa nouvelle moulée pour chien à un prix équivalent à celui des produits haut de gamme sur le marché. Paul Shenouda souhaite toutefois qu’il soit éventuellement revu à la baisse. « En ce moment, la nourriture à base d’insectes est plus chère parce que la production est encore manuelle. Avec l’automatisation des processus d’élevage et de transformation, son prix va certainement baisser », explique-t-il. L’industrie de la nourriture pour animaux commence d’ailleurs à flairer la bonne affaire. « Purina vient de lancer la nouvelle gamme écoresponsable RootLab et l’un de ses quatre produits contient notre farine de grillons », se réjouit Jarrod Goldin. Wilder Harrier songe également à lancer de la nourriture pour chat dans un futur rapproché. Ne reste plus que le verdict des principaux intéressés.

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