On nous a fait entrer par la porte arrière de la clinique vétérinaire après les heures dâouverture â un traitement spécial pour un chat spécial. On était loin de la salle dâattente bondée de lâurgence vétérinaire située à 40 minutes de là . Le chat peinait à respirer. Je lâai installé sur la table dâexamen. Liv, ma fille de 12 ans, a déposé un baiser sur la tache grise juste au-dessus de la tête de Boston. Le vétérinaire, lui, écoutait à travers son stéthoscope.
« Il nâa pas dâair », a-t-il dit en soupirant.
On ne pouvait rien faire de plus.
Boston était apparu sur notre ferme quatre ans plus tôt. Câétait quelques jours après le décès du chat de Liv, Jubilee. Liv est une enfant adoptée. Elle avait déménagé si souvent avant dâatteindre lââge de quatre ans quâelle vivait avec une profonde peur dâêtre abandonnée. Elle était dâailleurs inconsolable après la perte de Jubilee. Jusquâà ce quâun gros matou blanc apparaisse derrière la grange. Il était timide, mais Liv lui a apporté une conserve de nourriture, puis une autre, et avant la fin de la journée, elle a été capable de le flatter. Immédiatement, leur lien était scellé.
Boston est passé de nerveux à stoïque.
à cause dâune exposition prénatale à lâalcool, Liv vit avec des difficultés du traitement sensoriel semblables à celles dâun enfant autiste. à lâépoque, il en fallait peu pour provoquer une crise qui pouvait durer une heure. Chaque fois quâelle commençait à lancer des cris perçants, tous, chats, chiens, frères et sÅurs, détalaient pour aller se cacher. Tous, sauf Boston. Il approchait en se dandinant de la petite fille tordue par les pleurs et sâasseyait sur ses genoux!
Je me suis dâabord demandé sâil était sourd â personne ne pouvait soutenir ces cris â mais non, son ouïe se portait bien; son amie était tout simplement plus importante que son propre confort. Dans ces moments de tourmente, Liv gémissait dans la fourrure de ce chat et frottait son visage contre le sien jusquâà ce quâelle se soit calmée. Boston fermait les yeux et ronronnait fort. Si Liv ne pouvait pas se calmer, une situation dont elle serait toujours gênée après-coup, elle avait toujours un ami fidèle qui ne la jugeait pas.
Certains jours, il nây a avait pas de crise, et tous deux sâétendaient, heureux, sur des ballots de foin. Leur lien devenait encore plus fort. Au fil du temps, les crises de Liv ont diminué et Boston savourait la vie sans obligations thérapeutiques. Pour moi, Boston faisait partie de lâéquipe de soins de Liv â il était aussi important pour son bien-être que les médecins et les thérapeutes.
Câest pourquoi lorsquâil a commencé à perdre du poids, je lâai rapidement fait examiner. Les tests nâont rien révélé.
Un jour, alors que Boston devait subir une intervention dentaire, le vétérinaire sâest montré inquiet : une radiographie pulmonaire indiquait une réduction importante des voies respiratoires. Après une série de traitements, la condition de Boston sâest améliorée mais il perdait toujours du poids. Puis, une canicule est arrivée et les poumons de Boston ont lâché. Nous lâavons amené dâurgence chez le vétérinaire.
« Je ne peux pas le perdre! », répétait Liv, en larmes. « Jâai besoin de lui! »
Malgré le traitement, le lendemain, lâétat de Boston avait empiré. Il avait la nausée et laissait derrière lui des traces de bave sur le plancher. Il mâa regardé dans les yeux; son regard était rempli de frayeur. Il était en train de se noyer.
Jâai appelé le vétérinaire, et bien que sa clinique était fermée, 10 minutes plus tard, il nous attendait à la porte arrière. Nous sommes entrés dans la salle sombre.
« Il ne peut plus respirer », a dit le vétérinaire. « Vous avez fait tout ce que vous avez pu. »
« Je pense quâil veut sâen aller », a dit Liv dâune voix aigüe en essuyant ses larmes. Le vétérinaire a hoché de la tête, procédé à lâinjection, et Boston a cessé de se battre pour trouver de lâair. « Merci », jâai murmuré à notre chat. Liv lâa embrassé.
Une fois assise dans la voiture, elle a éclaté en sanglots, et jâai fait pareil. Nous étions là , deux cÅurs brisés, un mouchoir épongeant notre visage. Après un moment, nous avons pris de grandes respirations.
« Il sâen est plutôt bien sorti, pour un chat abandonné », jâai dit en souriant. « Il a trouvé une amie parfaite. Il sâest trouvé une maison, il a dormi sur une couverture chauffante tout lâhiver et il a reçu plein dâamour â tellement quâil est devenu gros! »
Nous avons ri.
« Nous avons amélioré sa vie », jâai dit en réfléchissant à voix haute.
« Et il a amélioré ma vie », a murmuré Liv, le visage baigné de larmes.
Et câétait vrai. Un chat errant sâétait aventuré sur notre ferme et sâétait frayé un chemin jusque dans le cÅur de Liv, lui offrant une amitié qui lâa transformée. Une amitié quâelle nâoublierait jamais.
Photos : Christen Shepherd
Photo 1 : Boston profite dâune journée ensoleillée dans la cour.
Photo 2 : Liv et son chat sont rapidement devenus inséparables.